À Montréal CityCrunch, aucun sujet ne nous fait peur et après une petite introduction aux comédies musicales, voici une introduction à l’Art Moderne ! L’appellation Art Moderne est un sac fourre-tout qui couvre 100 ans d’art d’avant-garde qui casse les codes. De 1850 à 1950, une foisonnance de courants a ainsi révolutionné notre approche aux images et à la manière de représenter le monde.
Il y a en ce moment une très belle exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal sur Berthe Weill, une galeriste qui a découvert et exposé pendant 30 ans tous les grands noms de l’Art Moderne du XXe siècle. C’est une bonne entrée dans la matière pour comprendre ce qu’est l’Art Moderne !
Psitt : ceci est une introduction qui simplifie ce vaste sujet qu’est l’Art Moderne en ne prenant que l’axe de la peinture. L’Art Moderne, c’est une multitude de mouvements qui concerne aussi bien la sculpture, la danse, littérature, musique et même l’architecture. Voici donc seulement les courants principaux pour se créer quelques repères, car il y en a eu beaucoup, voir cette petite chronologie pour s’en rendre compte.
Introduction à l’Art Moderne, qu’est-ce que c’est ?
Pendant longtemps, l’histoire de l’art était assez uniforme, chaque siècle apportait sa façon de faire et la majorité des artistes s’y conformait. On suivait les codes académiques des grandes écoles et des grands noms, et surtout, on représentait souvent les mêmes choses : des scènes religieuses, mythologiques ou des portraits officiels de personnages influent et mécènes.

C’est vers le XVIIe siècle que les peintres se permettent de représenter des scènes du quotidien avec des anonymes comme sujet principal, c’est le cas exemple lors de l’âge d’or des peintres néerlandais comme Johannes Vermeer ou parfois Rembrandt.

Mais au XIXe, deux inventions vont révolutionner peu à peu la façon de faire de l’art : la photographie et les tubes de peinture.

Le processus photographique a connu plusieurs étapes, Niépse fixe une première image sur une plaque d’étain en 1827, en 1839 c’est le daguerréotype qui voit le jour en fixant des images sur des plaques en argent, puis en 1841 arrive le calotype qui fixe enfin des images sur papier. Les humains peuvent maintenant capturer le monde tel qu’il est, plus besoin de le peindre avec réalisme !
Plus besoin également de s’enfermer dans son atelier avec ses pigments et mixture pour créer sa peinture. Arrivé peu à peu entre 1841 et 1859, le tube de peinture envahi rapidement toutes les palettes. La peinture est maintenant transportable dans des petits tubes en métal. D’une évidence pour nous, c’est un vrai changement pour les artistes de cette époque car cela ouvre la porte au monde d’extérieur. S’installer des heures sous un arbre ou dans un champ n’est plus un défi technique et l’artiste peut enfin être un témoin direct du monde tel qu’on peut le vivre.

Ainsi en 1850, un vent de liberté souffle sur l’art et les artistes peuvent définitivement se détacher des académies d’art et des normes. La façon dont l’art se finance change également, il n’y a plus seulement des mécènes ou riches commanditaires pour gagner sa vie, l‘artiste peut peindre pour lui et se faire reconnaitre dans des salons et des galeries d’art. Les tableaux deviennent un bien que l’on collectionne et achète sans que ce soit une commande. L’artiste choisit ses sujets et sa façon de faire en suivant les changements de ce monde qui s’industrialise et entre dans l’ère moderne !
Romantisme (env. 1770 – 1870) et Réalisme (env. 1850-1940)
Courant à la fois musicale, littéraire et picturale, le Romantisme annonce la modernité. L’artiste puise maintenant dans ses ressenties et émotions pour partager sa perception. L’art devient un moyen d’exprimer son intériorité et la nature est souvent la meilleure métaphore pour représenter l’exaltation du dialogue entre le soi, le monde et le divin.
Les grands noms de ce courant sont souvent des hommes ayant été formé dans les académies d’art classiques, ils dépassent ainsi le cadre qu’on leur a enseignée tout en gardant la technicité académique. On peut ainsi, parmi les plus connus, citer : Caspar David Friedrich, William Turner, Francisco de Goya, Théodore Géricault, Eugène Delacroix…

Le monde voyage plus vite au XIXe siècle avec l’arrivée des trains et des bateaux à vapeur, en témoignera Jules Vernes dans ses aventures. Toutes les destinations sont maintenant à porter de main et il est de coutume pour les élites d’envoyer ses jeunes hommes faire leur tour de l’Europe. Les ruines antiques de Grèce, les palazzos d’Italie et les déserts de l’Afrique du Nord font maintenant partie des images et mythologies qui baignent les imaginaires. Plus loin encore, c’est maintenant les senteurs de l’orient et de l’Asie qui inspirent les peintres. Sans être un courant, l’Orientalisme est une thématique que l’on retrouve beaucoup dans les tableaux de l’époque, laissant toute la place aux rêves d’ailleurs…

Le XIXe voit aussi l’apothéose des Salons de peinture où s’expose ensemble énormément de tableaux d’artistes vivants. C’est également par les salons que les artistes se placent à contre-courant des normes, comme lors du célèbre Salon des refusées. Devenant des endroits où les mondains, mondaines et critiques peuvent juger de ce qui se fait de mieux dans l’art actuel, cela canalise très vite la rivalité entre les courants de pensée. Les visions sur ce que doit être l’art éclatent au grand jour et les artistes choisissent leur camp.

Ainsi, c’est en réaction au Romantisme que nait le Réalisme. Les réalistes sont à la recherche du réel, du vrai, et s’éloignent de l’idéalisation et du rêve romantique. On veut représenter et comprendre l’époque telle qu’elle est, avec un regard presque social sur les sociétés bouleversées et tumultueuses du XIXe siècle. On s’intéresse au peuple, il faut être un témoin de leur quotidien. Les plus représentatifs sont : Gustave Courbet, Jean-François Millet, Édouard Manet, ou redécouverte récemment, Rosa Bonheur…

Le Réalisme est d’abord apparu en Europe mais ce courant va s’exporter et durer dans le temps en influençant notamment le Réalisme américain, dont des noms comme Grant Wood ou Edward Hopper te diront forcément quelque chose.

Impressionnisme (env. 1860-1890)
Tu as surement déjà croisé ce tableau de Claude Monet :

Présentée dans un salon le 15 avril 1874, cette oeuvre changea tout ! Elle a ouvert la porte à plus de liberté encore dans les techniques de la peinture, on n’est plus du tout dans une recherche de réalisme, mais une recherche d’impression d’un instant, d’un moment. Tu peux d’ailleurs revivre ce moment révolutionnaire dans l’art grâce à une expérience de réalité virtuelle à l’Arsenal.
La subjectivité du peintre face à la lumière est maintenant au centre de tout, allant ainsi encore plus loin que le Romantisme. Les courants évoluent et s’alimentent dans la grande famille de l’histoire de l’art et il est très probable que Monet avait vu les couchers de soleil de Turner. Là où Turner ajoutait encore du détail dans la ville en contre-jour, Monet ne fait que des silhouettes à peine définies pour les bateaux sur le port du Havre…

C’est en essayant de se moquer de ces artistes « imprécis » dans leur geste qu’un critique d’art a renommé ce salon L’Exposition des Impressionnistes. Le nom est resté et est en effet ce qui décrit le mieux cette façon de représenter la lumière et la nature par des impressions de couleurs. Pas besoin d’être absolument fidèle au réel pour saisir une scène, une émotion ou un instant présent, tout est dans la lumière. D’ailleurs, c’est à cette époque que la lumière électrique fait son apparition dans le quotidien !

Les autres grands peintres du mouvement risquent également de te dire quelque chose avec Claude Monet, Pierre Auguste Renoir, Gustave Caillebotte, Edgar Degas, Camille Pissaro, Berthe Morisot, Marie Bracquemond, Mary Cassatt, James Abbott McNeill Whistler…

On associe souvent le célèbre Édouard Manet au mouvement car il est exactement sur la fine ligne qui sépare le Réalisme de l’Impressionnisme, mais il n’a jamais exposé avec les Impressionnistes même s’il était proche du milieu. Il semble également qu’il n’utilisait pas tout à fait les mêmes techniques, ça fait encore débat !

Décriés à leur début, les Impressionnistes vont pourtant vite se faire une place et acquérir une reconnaissance immense. Aujourd’hui encore, Claude Monet est probablement un des peintres les plus connus, en témoigne toute l’affection que l’on a pour ses Nymphéas, thème que Monet a beaucoup étudié lors de ses dernières années dans son jardin de Giverny.

Juste pour le plaisir, voici d’autres oeuvres car c’est trop beau :



Post-Impressionnisme (env. 1880-1910)
Le terme Post-Impressionnisme est très vague puisqu’il regroupe un peu tous les mouvements après l’Impressionnisme. Des artistes aussi important que Vincent Van Gogh se retrouvent souvent avec cette étiquette car en rupture directe avec les Impressionnistes mais pas encore tout à fait associables avec le Fauvisme ou le Cubisme par exemple. C’est donc une appellation un peu vague mais un chaînon essentiel !

Plusieurs artistes majeurs avec Van Gogh sont ainsi vus comme ceux de la transition entre l’Impressionnisme et le reste de l’Art Moderne. On n’a plus peur des couleurs agressives ni de la déformation totale des lieux et des visages avec les Expressionnistes comme Edvard Munch et de son fameux cri. L’important est d’exprimer l’émotion qui est plus forte que la simple représentation du réel.

Avec Paul Gauguin, la couleur et les formes s’affirment également alors que tout est observé à hauteur de peintre. On parle parfois de Synthétisme pour Gauguin avec l’idée qu’une image est une surface plate et que l’esthétisme des traits simples a toute son importance.

Avec Paul Cézanne, autre grand nom de la peinture, c’est même le trait qui dessine la forme et la couleur est l’essence de la forme, ce qui annonce l’arrivée du Fauvisme.

Également un artiste de la transition, Georges Seurat est souvent vu comme le père du Pointillisme et une influence majeure du Fauvisme et même du Cubisme.

Et pour terminer sur la diversité des Post-Impressionnistes, on peut citer également le courant du Symbolisme, avec Gustav Klimt dont tu connais forcément le baiser à la fois onirique et mélancolique, précurseur de l’Art Nouveau.

Art Nouveau (env. 1880-1910) et Art Déco (1910-1930)
Mouvement un peu à part, l’Art Nouveau est une réponse à l’industrialisation, un retour aux formes végétales autant dans la ville que dans son intérieur. On veut des courbes dans son intérieur et des motifs floraux à foison ! L’Art Nouveau se décline autant en peinture et illustration que dans l’architecture et le mobilier. Il n’est pas rare dans les villes d’Europe de voir encore des bâtisses entièrement faite des courbures et verrières typiques de cette époque.

Dans le même ordre d’idée, l’Art Déco est également un art total touchant à la fois à l’architecture, l’ameublement et même la mode. Réponse aux courbures et à l’abondance de l’Art Nouveau, l’Art Déco naît avant la première guerre mondiale et caractérise les années folles de l’entre-deux-guerres. Des lignes droites, de la géométrie partout, et des motifs qui se répètent en élégance, on reconnait souvent dans l’Art Déco une des influences du Cubisme.

Fauvisme (env. 1905-1910)
Parmi les courants importants du Post-Impressionnisme il y a le Fauvisme. Même si ce courant n’a pas duré très longtemps, il est une fracture importante dans l’Art Moderne car cela libère la couleur : tout est défini par elle, plus besoin de dessin, on ne cherche plus du tout le réel mais l’émotion pure.

C’est par l’utilisation des couleurs vives et chaudes que l’appellation Fauvisme leur a été attribuée. On peut citer le célèbre Henri Matisse comme chef de file de ce mouvement, mais également Raoul Dufy, Henri Manguin, George Braque, Kees Van Dongen, Georges Rouault, André Derain… Le Fauvisme a souvent été un passage avant le Cubisme pour beaucoup d’artistes.

Cubisme (env. 1907-1920)
Probablement le courant le plus emblématique de l’Art Moderne avec l’Impressionnisme, c’est aussi le plus clivant. Marquant l’entrée dans le XXe siècle, le Cubisme s’inspire de tous les précédents courants de l’Art Moderne : la géométrie de l’Art Déco, le dessin par la couleur du Fauvisme, la déconstruction du Pointillisme et surtout, de Paul Cézanne. Dans ses natures mortes, Cézanne n’hésitait pas à jouer sur la perspective et à représenter une table du dessus mais les fruits de face.

La libération de la perspective était le dernier échelon pour atteindre une liberté totale de composition dans l’art. L’artiste représente ce qu’il veut comme il veut et l’une des fascinations du Cubisme est de représenter sur une même surface plane toutes les facettes d’un objet, d’avoir ainsi plusieurs points de vu sur un seul et même tableau. En représentant la globalité d’un objet, on représente ainsi toute son essence.

Le cubiste le plus connu d’entre tous est sans aucun doute Pablo Picasso qui est l’origine du mouvement avec Georges Braque, mais d’autres grands noms sont associés au mouvement : Juan Gris, Sonia et Robert Delaunay, Alice Bailly, Jean Metzinger, Alice Halicka, Albert Gleizes…

Il y a plusieurs Cubisme dans le Cubisme avec dans un premier temps le Cubisme Analytique (plus fragmentation, palette de couleurs restreinte) puis le Cubisme Synthétique (beaucoup plus de couleur).

On enferme souvent les artistes dans un genre, mais c’est pourtant un processus de création toujours en évolution. Le meilleur exemple est justement Picasso qui a eu plusieurs périodes dans sa vie avant et après le cubisme ! De sa période bleue ou rose jusqu’à ses dessins de colombe de la paix !
Surréalisme (env. 1920-1960)
Suite aux atrocités de la première guerre mondiale, un mouvement artistique de contestation se met en place et souhaite remettre en cause toutes les normes et idées dans la société : le Dada. Entre jeux, provocations, recherches esthétiques et réflexions politiques, le Dada conduit par Marcel Duchamp a ouvert grand les portes à la nouveauté et à l’inédit. C’est en découlant de ce mouvement et des travaux de Freud sur l’inconscient que le Surréalisme voit le jour. Le Surréalisme fait appel à toute forme d’art et fait même se répondre tableau, musique ou texte autour des thématiques du rêve, de l’inconscient et de la pensée.
Associé au Surréalisme, il y a l’iconique Salvador Dalí, tableau personnifié à lui tout seul, qui exprimait souvent ses angoisses sous forme d’images étranges.

L’autre figure incontournable est René Magritte avec son humour métaphysique et sa capacité de créer des symboles forts en réflexion.

Il y a également Marc Chagall, électron libre qui peint l’onirisme, il n’a jamais revendiqué faire partie du mouvement, mais on le rapproche souvent du Surréalisme.

Giorgio De Chirico est aussi une référence pour le Surréalisme avec ses décors vides et inquiétants et les énigmes hors du temps qu’ils renferment.

Pour finir, avec Joan Mirò le Surréalisme va de plus en plus vers l’abstraction ce qui laissera la place pour l’Art Abstrait de Vassily Kandinsky, de Sonia et Robert Delaunay, Piet Mondrian, Jackson Pollock ou encore Jean-Paul Riopelle.

Ensuite, et bien c’est une autre histoire car on rentre peu à peu dans l’ère de l’Art Contemporain.